Quand on regarde No Man’s Land, que ce soit la série d’Arte sortie en 2020 ou le film poignant de Danis Tanović en 2001, on est happé par le réalisme brut des images. La guerre, qu’elle se déroule en Syrie ou en Bosnie, semble si proche qu’on pourrait presque sentir la poussière et entendre les échos des combats. Mais où a-t-on filmé ces scènes si saisissantes ? Les lieux de tournage, bien loin des champs de bataille qu’ils dépeignent, racontent une histoire à part entière, faite de choix stratégiques, de défis logistiques et d’une quête obsessionnelle d’authenticité. Cet article vous emmène dans les coulisses, du Maroc aux montagnes de Slovénie, en passant par Paris et Bruxelles, pour dévoiler les secrets des décors qui ont donné vie à No Man’s Land. Attachez-vous, on part en voyage.
Comment le Haut-Atlas marocain a remplacé la Syrie
Imaginez un plateau de tournage où les montagnes arides s’étendent à perte de vue, où le vent soulève une fine poussière ocre, et où des villages perchés semblent figés dans le temps. Bienvenue dans le Haut-Atlas, au Maroc, le cœur des décors de la série No Man’s Land. Quand l’équipe d’Oded Ruskin, le réalisateur de la première saison, a cherché un lieu pour incarner le nord de la Syrie en 2014, le Haut-Atlas s’est imposé comme une évidence. Ses crêtes escarpées, ses vallées sèches et ses villages de pierre offraient une ressemblance troublante avec les paysages du Moyen-Orient. Mais ce n’était pas tout. Pour la saison 2, l’équipe s’est déplacée dans le Moyen Atlas, près de Béni Mellal, où un camp de réfugiés syriens a été reconstitué avec une précision presque maniaque. Des échoppes remplies de vêtements usés, des cartables d’enfants abandonnés, jusqu’à une poubelle soigneusement vidée pour l’authenticité – rien n’a été laissé au hasard.
Le Maroc n’a pas seulement servi à simuler la Syrie. Il a aussi doublé la Turquie, l’Égypte et même l’Iran, prouvant une polyvalence qui en dit long sur son statut de terre d’accueil pour le cinéma. Pourquoi ce choix ? Les paysages, bien sûr, mais aussi une industrie cinématographique rodée, capable de fournir des techniciens, des figurants – plus de 200 pour certaines scènes – et une logistique bien huilée. J’ai souri en lisant qu’une influenceuse marocaine, Tasnim Cheham, avait rejoint le casting de la saison 2. Ça m’a rappelé ces moments où, en voyage, on tombe sur une star locale dans un endroit improbable. Le Maroc, avec ses montagnes et son savoir-faire, a transformé une série intimiste en épopée visuelle. Mais il y a un revers : coordonner des centaines de figurants sans agence d’extras, dans des régions reculées, devait ressembler à un puzzle géant.
De Bruxelles à Paris, les coulisses européennes de No Man’s Land
Si le Haut-Atlas incarne la guerre et le chaos, les scènes européennes de la série No Man’s Land apportent un contraste saisissant. À Bruxelles, les intérieurs feutrés – appartements, bureaux – ont servi à planter le décor de la vie d’Antoine Habert, le personnage de Félix Moati, avant qu’il ne plonge dans la tourmente syrienne. Les rues de Paris, elles, capturent les moments d’errance et de tension, avec des extérieurs filmés dans des quartiers anonymes, loin des clichés de carte postale. Ces lieux, moins spectaculaires que les montagnes marocaines, sont essentiels pour ancrer l’histoire dans une réalité quotidienne, celle d’un homme ordinaire confronté à l’extraordinaire.
Filmer en Belgique et à Paris demandait une autre forme de précision. Il fallait jongler avec une équipe internationale, des dialogues en plusieurs langues – français, anglais, arabe – et des emplois du temps serrés. Les scènes parisiennes, souvent tournées en extérieur, ont dû composer avec la météo capricieuse et le bruit de la ville. Ça me fait penser à une fois où j’ai vu un tournage près de chez moi : une équipe minuscule, un acteur qui pestait contre un klaxon intempestif, et pourtant, à l’écran, tout semblait fluide. À Bruxelles, les décors intérieurs, plus contrôlés, offraient une pause bienvenue après l’intensité du Maroc. Ces lieux, discrets mais essentiels, rappellent que No Man’s Land n’est pas seulement une fresque de guerre, mais aussi une histoire intime, tissée de moments de doute et de silence.
Pourquoi la Slovénie a-t-elle incarné la Bosnie en 2001 ?
Changeons d’univers. Le film No Man’s Land de Danis Tanović, oscarisé en 2002, nous transporte dans la guerre de Bosnie, avec une tranchée boueuse où deux soldats ennemis se retrouvent piégés. Mais ce champ de bataille n’a pas été filmé en Bosnie. C’est la Slovénie, son voisin plus stable, qui a prêté ses paysages pour ce huis clos tragique. Pourquoi ce choix ? Les collines verdoyantes, marquées par des traces de guerre – cratères, trous de balles – offraient une ressemblance frappante avec la Bosnie des années 1990. Danis Tanović a décrit ces paysages comme une “photo noir et blanc sur un tableau de Van Gogh”, une image qui m’a donné des frissons tant elle capture la beauté abîmée des lieux.
La Slovénie avait aussi des atouts pratiques. À l’époque, elle offrait une industrie cinématographique solide, des techniciens qualifiés, et une stabilité politique que la Bosnie, encore convalescente, ne pouvait garantir. Filmer dans ces vallées slovènes, c’était recréer le chaos tout en travaillant dans un cadre maîtrisé. Pourtant, je me demande ce que les acteurs ont ressenti en marchant sur ces terres, si loin du conflit qu’ils incarnaient. Les décors, avec leurs stigmates artificiels, ont dû leur donner l’impression d’un musée vivant. Ce choix de la Slovénie montre à quel point le cinéma peut transformer un lieu en un autre, comme un acteur qui change de peau.
Armes réelles et figurants : les secrets d’un tournage hyperréaliste
Revenons à la série No Man’s Land. Si les images de combats, de camps de réfugiés et de villages en ruines semblent si vraies, c’est parce que l’équipe a misé sur un réalisme presque obsessionnel. Dans le Haut-Atlas, des armes réelles – AK-47, Colt .45, Tokarev – étaient utilisées, mais sous la surveillance stricte de l’armée marocaine. Pas question de prendre des risques. Les figurants, souvent des habitants locaux, apportaient une authenticité brute aux scènes. Plus de 200 d’entre eux ont défilé pour certaines séquences, donnant vie à des marchés bondés ou à des batailles chaotiques. Et les acteurs ? Ils ont suivi un entraînement intensif, apprenant à manier les armes et à parler avec des accents crédibles, certains rencontrant même d’anciens combattants kurdes des YPJ pour s’imprégner de leur réalité.
Ce souci du détail avait un coût : chaque épisode, avec un budget de 1,5 million d’euros, était tourné en seulement 8,5 jours. Huit jours et demi ! Ça me rappelle ces projets où l’on court après le temps, mais où l’adrénaline transforme la pression en énergie créative. Ce rythme effréné, combiné à la coordination des figurants et à la sécurité des armes, donnait au tournage des airs de mission militaire. Pourtant, c’est cette rigueur qui fait de No Man’s Land une série où chaque plan semble vivant, presque palpable. Je me surprends à imaginer l’équipe, épuisée mais fière, en train de vérifier chaque détail – un drapeau de Daech bien placé, une explosion parfaitement chorégraphiée – pour que tout sonne juste.
Tourner en Haut-Atlas et Slovénie : une logistique sous tension
Filmer dans des lieux comme le Haut-Atlas ou la Slovénie, c’est un peu comme organiser un mariage en pleine tempête : tout doit être parfait, mais rien n’est simple. Au Maroc, l’équipe a dû composer avec des routes escarpées, des températures changeantes et l’absence d’agences d’extras. Imaginez recruter des centaines de figurants dans des villages reculés, expliquer les scènes, gérer les costumes, tout ça sans une structure professionnelle. C’était un défi digne d’un film d’aventure. Les paysages du Haut-Atlas, sublimes mais rudes, ajoutaient leur lot de complications : transporter du matériel lourd, protéger les caméras de la poussière, anticiper les caprices du climat. Et pourtant, ces contraintes ont nourri l’authenticité des images.
En Slovénie, pour le film, les défis étaient différents. Les paysages, plus accessibles, facilitaient le travail, mais il fallait recréer l’atmosphère d’une guerre récente dans un pays en paix. Les techniciens slovènes, habitués aux productions internationales, ont apporté leur savoir-faire, mais l’équipe a dû sculpter les décors – ajouter des cratères, vieillir des bâtiments – pour que tout semble ravagé. Je me souviens d’une expo sur le cinéma où j’ai vu des photos de décors avant et après : c’est fascinant, cette capacité à transformer un champ paisible en champ de bataille. Ces défis, au Maroc comme en Slovénie, montrent que les lieux de tournage ne sont pas juste des arrière-plans. Ils façonnent l’histoire, testent la résilience des équipes, et laissent une empreinte invisible à l’écran.
Maroc ou Slovénie : les secrets des choix de tournage
Pourquoi le Maroc pour la série No Man’s Land ? Pourquoi la Slovénie pour le film ? Derrière ces décisions, il y a un mélange de pragmatisme et de vision artistique. Au Maroc, les paysages du Haut-Atlas et du Moyen Atlas offraient une toile parfaite pour peindre la Syrie, avec des montagnes arides et des plaines qui évoquent le Moyen-Orient. Mais ce n’était pas qu’une question de décor. Le Maroc est une plaque tournante du cinéma, avec des studios comme ceux d’Ouarzazate, des techniciens aguerris, et des coûts bien plus abordables que dans d’autres pays. Ajoutez à cela une stabilité politique qui rassure les producteurs, et vous obtenez un choix presque évident. Je me demande si l’équipe, en explorant ces vallées, a eu un moment d’émerveillement devant la beauté brute des lieux, avant de se mettre au travail.
Pour la Slovénie, le raisonnement était similaire, mais adapté au contexte des années 2000. La Bosnie, encore marquée par la guerre, n’était pas une option viable pour un tournage. La Slovénie, avec ses collines et ses forêts proches des paysages bosniaques, offrait une alternative sûre, soutenue par une industrie cinématographique naissante mais compétente. Danis Tanović, en choisissant ces lieux, a parié sur leur capacité à porter l’histoire sans voler la vedette. Ces choix, qu’ils soient dictés par l’esthétique ou la logistique, rappellent que le cinéma est un art de l’illusion, où un pays peut en incarner un autre avec une conviction désarmante.
Des lieux qui racontent une histoire
Les lieux de tournage de No Man’s Land, qu’il s’agisse de la série ou du film, ne sont pas de simples décors. Au Maroc, le Haut-Atlas et le Moyen Atlas ont donné vie à la Syrie avec une intensité rare, portée par des figurants locaux et une quête de réalisme. À Bruxelles et Paris, les scènes européennes ont ancré l’histoire dans une réalité quotidienne, loin des champs de bataille. En Slovénie, les paysages ont ressuscité la Bosnie avec une poésie tragique. Chaque lieu, avec ses défis et ses secrets, a contribué à faire de No Man’s Land une œuvre qui marque, qui secoue, qui reste.
Si vous êtes fan de la série ou du film, prenez un moment pour revoir une scène en imaginant les montagnes marocaines ou les vallées slovènes derrière l’écran. Ça change tout, non ? Et si vous avez déjà visité l’un de ces lieux, partagez vos impressions – qui sait, peut-être avez-vous croisé un décor sans le savoir. Pour aller plus loin, plongez dans d’autres coulisses de tournage ou regardez à nouveau No Man’s Land sur Arte ou en DVD. Les lieux, eux, continuent de raconter leur histoire.